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Le Saint Curé d’Ars (1786-1859)

 

LE DON, LE PARDON, L’ABANDON

 

Béatifié le 8 janvier 1905 et déclaré « patron de tous les prêtres de France et des pays qui lui sont soumis » par Pie X, canonisé le 31 mai 1925 et déclaré « patron des curés de l’univers » le 23 avril 1929 par Pie XI, nommé « patron des prêtres du monde » en 2010 par Benoît XVI, saint Jean-

Marie Vianney rayonne aux quatre coins du globe et fait briller le ministère sacerdotal de tout son éclat. Un prêtre de feu selon le cœur de Dieu. (1)

« Qu’est-ce que le prêtre ? Un homme qui tient la place de Dieu, un homme qui est revêtu de tous les pouvoirs de Dieu ». Telle était la définition que le curé d’Ars donnait du sacerdoce, pénétré de la grandeur de son ministère : « oh, que le prêtre est quelque chose de grand ! Le prêtre ne se comprendra bien que dans le Ciel. Si on le comprenait sur la terre, on mourrait non de frayeur mais d’amour ». Une dignité si éminente que, conscient de sa misère humaine, il en tremblait d’une sainte crainte divine : « Ah que c’est effrayant d’être prêtre ! La confession ! Les sacrements ! Quelles charges : Oh ! Si on savait ce que c’est d’être prêtre, on s’enfuirait comme les saints dans le désert pour ne pas l’être ! » Et l’on sait que toute sa vie, le saint curé a été tenté de se retirer dans un monastère pour expier ses péchés. A plusieurs reprises, il a voulu fuir sa paroisse mais prélats et fidèle surent déjouer ses ruses pour le retenir à Ars d’où rayonnait sa réputation de sainteté.

Si saint Jean-Marie Vianney a été proposé comme exemple à tous les prêtres, c’est qu’il a porté le sacerdoce à un sommet, non par élitisme mais par dépouillement, dans une « sequela Christi » si intime qu’elle l’a identifié à l’offrande sacerdotale de son Seigneur. Mortifié par l’ascèse, abîmé dans la prière, dévoré par le ministère, la vie du saint curé fut une messe, son cœur

un calice, « son corps offert en victime vivante sainte et agréable à Dieu » (Rm 12, 1). C’est dans le don de toute sa personne et toute sa vie que se cachait le secret de sa sainteté sacerdotale et de sa fécondité pastorale, comme enseveli sous le voile des saints mystères de l’Incarnation et de la

Rédemption qu’il ne cessait de contempler et de révéler à ses fidèles et aux pèlerins. « Il conquit les âmes, même les plus réfractaires, en leur communiquant ce qu’il vivait intimement » souligne le pape Benoît XVI.

Simple paysan, Jean-Marie Vianney n’était pas un savant. Toute sa vie, il a souffert de ses limites et de son ignorance. Mais consumé par l’amour de Dieu et le souci des âmes, il était animé d’un zèle pastoral aussi impétueux qu’intrépide : « je suis prêt à rester cent ans de plus sur terre pour réconcilier une âme avec Dieu » affirmait-il avec détermination. « Le bon Dieu nous a créés et mis au monde pour le servir, l’aimer et travailler à notre salut, rien que cela ; tout ce qui nous faisons en-dehors de cela, c’est du temps perdu ».

Et le saint curé n’a pas perdu de temps. Pas un instant ! Sa vie était campée dans un périmètre si restreint - entre l’autel et le confessionnal – qu’il ne risquait pas d’être tenté par les distractions. Et selon le témoignage de l’un de ses proches, pour resserrer son union au Seigneur, du lever au coucher, ses journées étaient rythmées par la méditation de la Passion du Christ : « à

Matines : Jésus en prière au jardin des Olives ; à Laudes : Jésus-Christ en agonie ; à Prime : Jésus-Christ outragé, battu chez Caïphe ; à Tierce : Jésus-Christ condamné à mort ; à Sexte : Jésus-Christ crucifié ; à None : Jésus-Christ meurt, on lui perce le cœur ; à Vêpres : Jésus descendu de la croix ;

à Complies : Jésus mis au tombeau ». Ainsi, heure après heure, la vie de saint Jean-Marie Vianney était-elle configurée à celle du Serviteur souffrant, offerte au bon plaisir de Dieu et livrée au salut des âmes. « Ah ! qu’un prêtre fait donc bien de s’offrir à Dieu en sacrifice tous les matins » conseillait-il à un jeune confrère, au début de son ministère.

 

Le DON eucharistique

 

« Vous savez que le Saint Sacrifice de la Messe est le même que celui de la croix qui a été offerte une fois sur le calvaire le vendredi saint. Toute la différence qu’il y a, est que quand Jésus-Christ s’est offert sur le calvaire, il était visible, c’est-à-dire qu’on le voyait des yeux du corps, et qu’il a été offert à Dieu son Père par les mains de ses bourreaux, et qu’il y a répandu son sang. C’est ce qu’on appelle sacrifice sanglant, cela veut dire que son sang sortit de ses veines et qu’on le vit couler jusqu’à terre. Mais à la Sainte Messe, il s’offre à son Père d’une manière invisible, c’est-à-dire que nous ne le voyons que des yeux de l’âme et non de ceux du corps. Voilà mes frères, en abrégé, ce que c’est le Saint Sacrifice de la Messe ». En pensée, le curé d’Ars, ne quittait pas l’autel. Il se tenait au pied de la croix, présent au sacrifice éternel du Christ qui se prolonge dans le mystère eucharistique. Sa foi en la présence réelle était si fervente qu’elle était diffusive d’elle-même . Le saint prêtre y entraînait ses auditeurs, donnant l’exemple de l’adoration du Saint Sacrement et parlant d’abondance de cœur, dans un langage simple et clair, avec des paroles d’amour qui déchiraient le ciel et embrasaient les cœurs. « Que c’est beau ! Après la consécration, le Bon Dieu est là comme dans le ciel ! Si l’homme connaissait bien ce mystère, il mourrait d’amour. Dieu nous ménage à cause de notre faiblesse ». Point d’emphase ni d’arguties dans les explications de saint Jean-Marie Vianney. Il était rebelle aux abstractions mais sa parole faisait autorité, vivante et puissante. Puissante parce que vivante. Puisée à la source. Si le saint curé n’était pas un savant, en revanche, il était doué d’un solide bon sens paysan. Concret et réaliste, il avait du jugement. Expert en humanité, il connaissait la pâte humaine, il savait apprivoiser les cœurs et susciter les efforts requis pour aller à Dieu, en particulier pour soigner la préparation à la messe. « Il faudrait toujours employer au moins un quart d’heure pour se préparer à bien entendre la messe. Il faudrait s’anéantir devant le Bon Dieu, à

l’exemple de son profond anéantissement dans le sacrement de l’Eucharistie, faire son examen de conscience : car pour bien assister à la messe, il faut être en état de grâce ».

 

Le PARDON des péchés

 

Selon une expression de Mgr Nault, recteur du sanctuaire d’Ars de 2 .000 à 2.012, saint Jean-Marie Vianney était « hanté par le salut de chacun, martyr du confessionnal ». Comme le Christ était attaché à la croix, il était cloué à son confessionnal. En témoigne, l’aveu de son état à la fin de la journée : « lorsque je sors du confessionnal, il faut que de mes mains, je cherche mes jambes pour savoir si j’en ai. Je sors quelquefois de l’église en m’appuyant contre les chaises et contre les murailles. J’ai peine à me tenir ».

Si le confessionnal était son lieu de prédilection, c’est qu’il avait une haute idée du sacrement de pénitence. Une idée mystique, qui actualisait la passion du Christ et faisait s’agenouiller les pénitents, venus nombreux pour demander le pardon de leurs fautes : « quand on va se confesser, il faut comprendre ce qu’on va faire. On peut dire qu’on va déclouer Notre

Seigneur » expliquait-il avec des images plus parlantes que des formules théologiques. « Quand vous avez fait une bonne confession, vous avez enchaîner le démon. Les péchés que vous cachez reparaîtront tous. Pour bien cacher ses péchés il faut bien les confesser ».

Médiocre orateur, il excellait dans l’écoute. Davantage ! Vide lui-même, il accueillait le pénitent et prenait sur lui son péché, comme le Christ a porté le péché du monde. Et avec saint Paul, le saint curé pouvait dire : « je me réjouis maintenant de mes souffrances pour vous et je complète en ma chair, ce qui manque aux tribulations du Christ, en faveur de son Corps qui est l’Église » (Col 1, 24). En bon pasteur, il conduisait ses brebis d’un pas ferme par des conseils sûrs : « c’est beaucoup, mes enfants, de penser que nous avons un sacrement qui guérit les plaies de notre âme !

Mais il faut le recevoir avec de bonnes dispositions. Autrement ce sont de nouvelles plaies sur les anciennes ». En contemplatif, il entraînait dans l’indicible et l’insondable : « mes enfants, on ne peut pas comprendre la bonté que Dieu a eue pour nous d’instituer ce sacrement de pénitence, nous n’aurions jamais pensé à lui demander celle-là. Mais il a prévu notre fragilité et notre inconstance dans le bien, et son amour l’a porté à faire ce que nous n’aurions pas osé lui demander ».

 

L’ABANDON à l’Esprit Saint

 

Père des pauvres, le Saint-Esprit a trouvé dans le cœur de saint Jean-Marie Vianney un espace vaquant où déverser des flots de grâce pour lui comme pour ses fidèles. Pour le saint curé, pas de programme pastoral ni d’évaluations ni de prospective. Et comme pour son Maître et Seigneur, « pas une pierre où reposer la tête » (Mt 8, 20). Mais avec une ductilité de tous les instants aux motions de l’Esprit Saint, il a répondu aux appels du ministère sacerdotal jusqu’à épuisement : « le Bon Dieu, en nous envoyant le Saint Esprit, a fait à notre égard comme un grand roi qui chargerait son ministre de conduire un de ses sujets disant : ‘vous accompagnerez cet homme partout, et vous me le ramènerez saint et sauf’. Que c’est beau, mes enfants, d’être accompagné par le Saint Esprit ! » s’exclamait-il, accompagnant le geste à la parole. « Une âme qui possède le Saint Esprit goûte une saveur dans la prière, qui fait qu’elle trouve toujours le temps trop court. Elle ne perd jamais la sainte présence de Dieu. Son cœur, devant notre bon Sauveur, au Saint Sacrement de l’autel est un raisin sous le pressoir » enseignait saint Jean-Marie Vianney qui dès le lever, se précipitait au pied de son Seigneur, à genoux devant le tabernacle, de quatre heures du matin jusque vers sept heures où il célébrait la sainte messe. Que se passait-il pendant ces longues heures silencieuses ? Un tête à tête, un cœur à cœur. « Il m’avise et je l’avise » selon sa célèbre formule. Et la journée se poursuivait dans une prière continuelle, que ce soit dans la solitude ou dans le ministère, uni à Dieu et donné à ses fidèles.

 

La dévotion à la Vierge Marie

 

Si le curé d’Ars, humble prêtre, fut configuré de si près au Christ, seul Grand-Prêtre, peut-être est-ce en raison de sa dévotion mariale précoce qui sculpta son cœur dès ses jeunes années, dans la pureté, la charité, l’intériorité : «la Sainte Vierge est ma plus vieille affection. Je l’aimais avant de la connaître », comme un enfant qui s’abandonne dans le sein de sa mère où il trouve protection et sécurité, où il puise sa subsistance et se développe à l’abri des curieux. Pour le saint curé, la dévotion mariale n’était pas facultative. C’était un milieu vital, un passage obligé, une respiration naturelle : « la dévotion à la Sainte Vierge est nécessaire ; il est difficile de se sauver sans cela. De même que lorsqu’on veut entrer dans une maison, on s’adresse au concierge pour qu’il nous ouvre, la Sainte Vierge est la portière du Ciel, nous ne pouvons entrer sans son secours ».

Cette dévotion mariale a enveloppé son sacerdoce, comme un écrin recelant un joyau de grand prix, comme la matrice du corps eucharistique qu’il offrait chaque jour à l’autel, lui assurant une magnifique fécondité pastorale, sans se soucier d’efficacité ou de résultats. « La dévotion à Marie est moelleuse, douce ; on ne se lasse jamais de la prière. Quand on parle des objets de la terre, de la politique, on se lasse, mais quand on parle de Marie, c’est toujours nouveau ». En Marie, pas d’habitude ni de lassitude, mais une vie toujours nouvelle, jaillissante et abondante, ce dont le curé d’Ars a fait preuve sans faillir, jusqu’au bout, en dépit d’une santé fragile et de moyens précaires. Confiant comme un enfant, il fut béni comme un fils, au-delà de tout attente, comme si le ciel s’était ouvert à Ars pour y déverser des torrents de miséricorde.

 

Rien que Dieu

 

« Dieu, rien que Dieu, Dieu partout, Dieu en tout, tout le Curé d’Ars est là ». C’est ainsi que l’abbé Cantonnier, le dernier vicaire du saint curé, l’évoquait, ébloui par son ministère qui attira les foules, de toutes conditions et de tous horizons, jusqu’à son dernier soupir. Livré tout entier, comme l’hostie à la messe, comme le Christ en sa passion, le curé d’Ars n’était occupé que de Dieu et de son prochain, empressé à dispenser les sacrements et à fonder des œuvres de charité pour ses pauvres, avec une prédilection pour les enfants. En bon curé, il avait l’œil sur tout et partout. Il voyait par le prisme du regard bienveillant de Dieu, tel un père qui veille au grain pour que ses enfants ne manquent de rien. « Si l’on avait la foi, on verrait Dieu caché dans le prêtre comme une lumière derrière un verre, comme du vin mêlé avec de l’eau » estimait-il. Un mystère que le péché occulte mais que la grâce révèle. Chez le saint curé, la grâce sacerdotale s’est manifestée avec éclat, jour après jour, appuyée sur le roc de la foi, embrasée de charité pastorale, coulant comme des fleuves d’eau vive qui irriguent le ministère du prêtre jusqu’à aujourd’hui. « A la vue d’un clocher vous pouvez dire : ‘qu’est-ce qu’il y a là ? - Le corps de Notre Seigneur – Pourquoi y est-il ? - Parce qu’un prêtre est passé là et a dit la messe ».

Maryvonne Gasse

 

(1) Les sources :

 

Les éléments biographiques viennent de , par Mgr René Fourrey, Le curé d’Ars authentique, l’Échelle de Jacob,

Les citations viennent de Mgr René Fourrey, Ce que prêchait le curé d’Ars, l’Échelle de Jacob, 360 pages,21 euros.

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